Consultation

XIX, folios:260 261
Boczosel, Soffrey de, seigneur de Chastelard
M. de Gordes
Lettre non liée
11/12/1572
Chambéry
Paris

Transcription

Les mots surlignés font l'objet d'une note

1

Monsegneur, le IXe de ce moys nous receumes voz lettres du XXIIe

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du passé par l’homme d’Orenge. J’ay présenté à messeigneurs le cardinal de

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Bourbon et duc de Nivernois voz lettres et mis es mains de monsigneur

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de Sauve celle que vous et messieurs de la cour de parlement

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escriviés par luy au roy avec sa requeste. J’estime que les lettres au roy

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n’ont pas encor esté veues. J’en ay parlé à la royne et avec mondit

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seigneur de Nevers, mais il n’y a pas grande espérance que le roy veuille

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entrer à présent au nyement de la sauveraineté de la principauté

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d’Orenge, et moins d’auctorité la mettre en ses mains, car

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nous craignons du cousté d’Allemaigne, où ceulx de Naussau

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ont grande part ; tout ce que on en pourra rapporter sera

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quelques lettres au gouverneur d’Orenge favorable pour les

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catholiques. Touttesfois nous verrons qu’il en sera, et adsisteray,

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comme vous me le commandés, à ce soliciteur de tout ce que

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je pourray. Il a bien heu besoin d’ayde à son arrivée,

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car il s’est trouvé si nouveau qu’il a esté plus de six jours

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sans trouver le moyen de rendre voz lettres à monseigneur d’Évènes

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ou à moy et despuis, je l’ay conduict par la main. La

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response à votre despêche au roy du XVIIe du passé est

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commandée. On ne vous veut accorder la levée d’aucunes

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companies que comme il est porté par la commission dont

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je vous ay cy-devant escrit, baillée au sieur de Lombes pour quatre

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companies ordonnées pour les affaires du Languedoc.

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Monsieur d’Évènes et moy eussions bien désiré de voir la response

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du sieur de Monbrun mentionnée en votredite dépêche car

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de là on en peut toujours prendre plus grande instruction.

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La royne m’a bien d’elle-mesme nommé le gentilhomme de

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Picardie qui sauva le sieur de Saint-Romain, qui est le sieur de

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Stanay ; et du jour d’hyer luy parlant du faict de la

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principauté d’Orenge, me dict après que ce n’avoit pas esté

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de la volonté du roy ny de Monsieur que luy ny Le Cheylat

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[v] avoint esté sauvés, et me remit en advant ce qu’elle

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m’en avoit dict, pour m’enquérir que ledit sieur de Saint-Romain

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estoit devenu. Mais c’estoit en temps qu’il estoit desja bien

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loing. De là, la royne rentra sur la hayne que le

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feu amiral et toutte la cause vous portoint, me demanda

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si je ne vous en avois pas adverty qu’ilz vous estimoint vindicatif,

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qu’ilz estoint si iniques qu’ilz rapportoint plustost voz déportementz

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en votre charge à une passion qu’au debvoir du service

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du roy ; quelque jour je vous en feray, Dieu aydant, le discours

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plus au long. La royne me demanda qu’il estoit du Montélimar,

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d’autant qu’on luy avoit dict que les huguenotz s’en estoint

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saisis, et bien que je luy disse qu’il n’en estoit rien, mais que

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il estoit fort à craindre que quelque place ne feut

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saisie et surprise avec le temps par faute des forces

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et moyens que vous avez tant demandés au roy, si est-ce

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qu’elle ne voulut comprendre qu’il faille entrer

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en celle despense. J’ay parlé à mondit seigneur de Nevers

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de ceulx de Pragela, et au paravant au contreroleur

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Du Mas, devers lequel contreroleur monsieur de Sauve

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me pria d’aller. Le contreroleur estime qu’il n’y a

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autre lieu où l’on peut remuer les postes si ce n’estoit

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par ung lieu qu’il appelle le Pertuis, lequel n’est encor

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suffisamment ouvert ; qu’il eust bien voulu scavoir quelz

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lieux vous semblent, et au sieur Ludovic, propres ; et vous supplie

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en donner advis au roy ; finablement qu’il n’estime

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pas que ceulx qui tiennent la poste en ces vallées

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facent faute au service du roy, non obstant leurs

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mauvaises opinions touchant la religion. Monseigneur de

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Nevers me dict que ceulx du cousté de Piedmont ne

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vouloint non plus chacer leurs ministres, comme le seigneur

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Ludovic avoit escrit au roy et à luy, et qu’il avoit

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envoyé devers le duc de Savoye pour regarder les moyens

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[261] d’y contraindre ses subgetz, comme luy se délibera de fayre

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les subgetz du roy, mais que mondit seigneur de Nevers luy avoit

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escrit qu’il n’estoit pas temps de remuer ce faict si ouvertement,

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et qu’il y avoit des lieux plus importans où il failloit

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premier courir ; mais qu’il leur pouvoit interdire le

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commerce ez villes de Piedmont, et par là leur coupper les

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vivres, comme vous pourriés faire du cousté du Daulphiné ;

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et que telle guerre les travailleroit assez si monsegneur

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le duc de Savoye en vouloit faire de mesme ; quant

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à la poste, qu’il n’y voyoit pas grand danger, que tous

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les pacquetz ne sont pas d’égalle importance, qu’après

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la perte d’ung on pourroit prendre advis sur ce changement.

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Touttesfois, il me semble que l’on n’y peut laisser la

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poste et nuyre à leurs commodités pour les vivres,

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et que ces deux poinctz sont incompatibles. La royne

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me dict qu’il seroit bon de scavoir les lieux où l’on pourroit

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changer la poste et prevenir à la perte des dépêches

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du roy. J’estime que de tout cela se résouldra de laisser

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les choses encor en l’estat qu’elles sont. Voilà quant

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à votredite dépêche du XVIIe du passé. Pour celle du

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IIIIe précédente, j’ay faict ordonner que les monstres

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des mortespayes se feront par les officiers des lieux

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elles sont ordonnées, ou autres plus prochains, et elles payées

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sur les roolles qui en seront faictz ; mais quant au payement

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des deux quartiers de l’année passée, il demeure encor

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là. Au reste, monsieur d’Évènes peut scavoir plus de novelles

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de ceste cour que moy, don il vous pourra faire part.

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On receut hyer des novelles comment le sieur de La Noue

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est dans La Rochelle pour traicter de la réduction,

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[v] après avoir prins bons ostages de la ville pour obvier

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à semblable inconvénient où tumba le sieur du Vigean.

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On espère bien de celle négotiation. Dieu veuille

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l’ayder et adsister audit sieur de La Noue en une si bonne

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encre. On ne laissera ce pendant de poursuivre

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les préparatifz du siège. Les commissaires des vivres,

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don le général Chatellier est l’ung, partent ceste

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sepmaine à cest effect. On pense qu’en passant on

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donnera à Sancerre, où quelques companies

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marchent déjà. Je présente pour la fin mes très humbles

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recommandations à votre bonne grâce et de celle de monsieur

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de La Roche, priant Dieu,

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Monsegneur, vous donner très longue et très heureuse

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vie. De Paris, ce XIe décembre 1572.

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Votre très humble serviteur

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So. de Boczosel

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