Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monsegneur, le IXe de ce moys nous receumes voz lettres du XXIIe
2du passé par l’homme d’Orenge. J’ay présenté à messeigneurs le cardinal de
3Bourbon et duc de Nivernois voz lettres et mis es mains de monsigneur
4de Sauve celle que vous et messieurs de la cour de parlement
5escriviés par luy au roy avec sa requeste. J’estime que les lettres au roy
6n’ont pas encor esté veues. J’en ay parlé à la royne et avec mondit
7seigneur de Nevers, mais il n’y a pas grande espérance que le roy veuille
8entrer à présent au nyement de la sauveraineté de la principauté
9d’Orenge, et moins d’auctorité la mettre en ses mains, car
10nous craignons du cousté d’Allemaigne, où ceulx de Naussau
11ont grande part ; tout ce que on en pourra rapporter sera
12quelques lettres au gouverneur d’Orenge favorable pour les
13catholiques. Touttesfois nous verrons qu’il en sera, et adsisteray,
14comme vous me le commandés, à ce soliciteur de tout ce que
15je pourray. Il a bien heu besoin d’ayde à son arrivée,
16car il s’est trouvé si nouveau qu’il a esté plus de six jours
17sans trouver le moyen de rendre voz lettres à monseigneur d’Évènes
18ou à moy et despuis, je l’ay conduict par la main. La
19response à votre despêche au roy du XVIIe du passé est
20commandée. On ne vous veut accorder la levée d’aucunes
21companies que comme il est porté par la commission dont
22je vous ay cy-devant escrit, baillée au sieur de Lombes pour quatre
23companies ordonnées pour les affaires du Languedoc.
24Monsieur d’Évènes et moy eussions bien désiré de voir la response
25du sieur de Monbrun mentionnée en votredite dépêche car
26de là on en peut toujours prendre plus grande instruction.
27La royne m’a bien d’elle-mesme nommé le gentilhomme de
28Picardie qui sauva le sieur de Saint-Romain, qui est le sieur de
29Stanay ; et du jour d’hyer luy parlant du faict de la
30principauté d’Orenge, me dict après que ce n’avoit pas esté
31de la volonté du roy ny de Monsieur que luy ny Le Cheylat
32[v] avoint esté sauvés, et me remit en advant ce qu’elle
33m’en avoit dict, pour m’enquérir que ledit sieur de Saint-Romain
34estoit devenu. Mais c’estoit en temps qu’il estoit desja bien
35loing. De là, la royne rentra sur la hayne que le
36feu amiral et toutte la cause vous portoint, me demanda
37si je ne vous en avois pas adverty qu’ilz vous estimoint vindicatif,
38qu’ilz estoint si iniques qu’ilz rapportoint plustost voz déportementz
39en votre charge à une passion qu’au debvoir du service
40du roy ; quelque jour je vous en feray, Dieu aydant, le discours
41plus au long. La royne me demanda qu’il estoit du Montélimar,
42d’autant qu’on luy avoit dict que les huguenotz s’en estoint
43saisis, et bien que je luy disse qu’il n’en estoit rien, mais que
44il estoit fort à craindre que quelque place ne feut
45saisie et surprise avec le temps par faute des forces
46et moyens que vous avez tant demandés au roy, si est-ce
47qu’elle ne voulut comprendre qu’il faille entrer
48en celle despense. J’ay parlé à mondit seigneur de Nevers
49de ceulx de Pragela, et au paravant au contreroleur
50Du Mas, devers lequel contreroleur monsieur de Sauve
51me pria d’aller. Le contreroleur estime qu’il n’y a
52autre lieu où l’on peut remuer les postes si ce n’estoit
53par ung lieu qu’il appelle le Pertuis, lequel n’est encor
54suffisamment ouvert ; qu’il eust bien voulu scavoir quelz
55lieux vous semblent, et au sieur Ludovic, propres ; et vous supplie
56en donner advis au roy ; finablement qu’il n’estime
57pas que ceulx qui tiennent la poste en ces vallées
58facent faute au service du roy, non obstant leurs
59mauvaises opinions touchant la religion. Monseigneur de
60Nevers me dict que ceulx du cousté de Piedmont ne
61vouloint non plus chacer leurs ministres, comme le seigneur
62Ludovic avoit escrit au roy et à luy, et qu’il avoit
63envoyé devers le duc de Savoye pour regarder les moyens
64[261] d’y contraindre ses subgetz, comme luy se délibera de fayre
65les subgetz du roy, mais que mondit seigneur de Nevers luy avoit
66escrit qu’il n’estoit pas temps de remuer ce faict si ouvertement,
67et qu’il y avoit des lieux plus importans où il failloit
68premier courir ; mais qu’il leur pouvoit interdire le
69commerce ez villes de Piedmont, et par là leur coupper les
70vivres, comme vous pourriés faire du cousté du Daulphiné ;
71et que telle guerre les travailleroit assez si monsegneur
72le duc de Savoye en vouloit faire de mesme ; quant
73à la poste, qu’il n’y voyoit pas grand danger, que tous
74les pacquetz ne sont pas d’égalle importance, qu’après
75la perte d’ung on pourroit prendre advis sur ce changement.
76Touttesfois, il me semble que l’on n’y peut laisser la
77poste et nuyre à leurs commodités pour les vivres,
78et que ces deux poinctz sont incompatibles. La royne
79me dict qu’il seroit bon de scavoir les lieux où l’on pourroit
80changer la poste et prevenir à la perte des dépêches
81du roy. J’estime que de tout cela se résouldra de laisser
82les choses encor en l’estat qu’elles sont. Voilà quant
83à votredite dépêche du XVIIe du passé. Pour celle du
84IIIIe précédente, j’ay faict ordonner que les monstres
85des mortespayes se feront par les officiers des lieux où
86elles sont ordonnées, ou autres plus prochains, et elles payées
87sur les roolles qui en seront faictz ; mais quant au payement
88des deux quartiers de l’année passée, il demeure encor
89là. Au reste, monsieur d’Évènes peut scavoir plus de novelles
90de ceste cour que moy, don il vous pourra faire part.
91On receut hyer des novelles comment le sieur de La Noue
92est dans La Rochelle pour traicter de la réduction,
93[v] après avoir prins bons ostages de la ville pour obvier
94à semblable inconvénient où tumba le sieur du Vigean.
95On espère bien de celle négotiation. Dieu veuille
96l’ayder et adsister audit sieur de La Noue en une si bonne
97encre. On ne laissera ce pendant de poursuivre
98les préparatifz du siège. Les commissaires des vivres,
99don le général Chatellier est l’ung, partent ceste
100sepmaine à cest effect. On pense qu’en passant on
101donnera à Sancerre, où quelques companies
102marchent déjà. Je présente pour la fin mes très humbles
103recommandations à votre bonne grâce et de celle de monsieur
104de La Roche, priant Dieu,
105Monsegneur, vous donner très longue et très heureuse
106vie. De Paris, ce XIe décembre 1572.
107Votre très humble serviteur
108So. de Boczosel
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